• Comment survivre

       Comment survivre à la perte de son enfant

     

    Témoignage d ' une maman :

     

    « Après la mort de Marc, j’ai compris de l’intérieur cette réaction des rescapés des camps de concentration : j’avais le sentiment de vivre une expérience tellement effroyable, qu’elle resterait indicible parce que personne ne pourrait jamais la comprendre.»

    Ce que cette mère arrive à formuler, dix ans après le décès de son fils, traduit bien ce que ressentent beaucoup de parents endeuillés.

    La mort d’un enfant est en effet l’expérience la plus terrible que peuvent vivre des parents. 

    Une épreuve qui atteint la chair de leur chair, contre l’ordre chronologique du temps et des générations (« c’était à moi de partir », disent les grands-parents), et sur laquelle on a du mal à mettre des mots

    .Et ils ont le sentiment qu’ils ne pourront jamais la partager avec d’autres, y compris, souvent, avec ceux qui leur sont proches. Et «les autres », de leur côté, n’osent pas leur en parler.

    « La mort de l’enfant reste un tabou très fort, qui conduit à l’isolement des parents, explique Marie-Frédérique Bacqué, auteur de plusieurs ouvrages sur le deuil . D’un côté, ce sont les parents eux-mêmes qui s’isolent : pris dans un mouvement de culpabilité, ils s’autosanctionnent en se refusant au monde, en évitant d’entrer en contact avec l’entourage. Et les autres parents ont tendance à les fuir, car ils en ont peur : ils ont peur d’être touchés, émotionnellement, ou réellement, par une espèce de superstition selon laquelle la mort serait contaminante. »

    Nadine Beauthéac, ethnosociologue et administratrice de l’association "Vivre son deuil Parie-Ile-de-France" vient d’écrire un livre sur le deuil . « On vit dans une société qui ne sait pas manier les mots du chagrin, déplore-t-elle. Et il est impudique de le faire.

    Passé le choc du début, les parents en deuil son amenés très vite, sous la pression sociale, à ne plus pouvoir en parler.

    On leur demande de faire le deuil le plus vite possible.

    Or, le deuil d’un enfant, c’est très long, beaucoup plus long que ce que la société imagine.»

    Cette accélération sociale du deuil est encore plus forte, souligne-t-elle, lorsque l’enfant décédé est un nouveau-né.

    « Quand au bout de quelques mois, de quelques années, les parents qui ont perdu un bébé expriment des signes de souffrance, l’entourage (qui souvent n’a pas connu l’enfant) va leur renvoyer « qu’il était si petit », qu’il faut « qu’ils l’oublient », et qu’ils « tournent la page ».

    Ce dont souffrent les parents, en plus de l’absence, c’est de ce silence, car ils ont très peur que leur enfant soit oublié.

    « L’entourage, insiste Nadine Beauthéac, ne mesure pas ce que vivent au quotidien ces parents, dans quel état d’épuisement physique et psychologique ils sont.

     

    Les parents en deuil soulèvent l’Himalaya tous les matins.

    Au bout d’un an ou deux, la plupart, commencent à peine à sortir du choc. 

    « Faire le deuil d’un enfant, c’est long, très long, répète-t-elle.

    On est agité par des sentiments très complexes : on s’attend à n’éprouver que du chagrin, mais derrière le paravent du chagrin il y a la colère, et derrière encore la culpabilité. Ces émotions, il faut que les parents en deuil aient le temps de les repérer (on étouffe par exemple sa colère contre le défunt pendant des années), de les vivre, de les traverser…

    Il s’agit d’un travail lent et difficile. » Un travail qui peut se faire seul, mais aussi et de plus en plus avec l’aide des autres. « Ce qui peut permettre d’aller plus vite, souligne Nadine Beauthéac.

    Car il est terrible de se dire que des souffrances ont pu se taire si longtemps.

    Telle celle de cette mère, venue récemment se présenter à "Naître et Vivre" en disant : « J’ai perdu mon bébé il y a vingt ans : il avait 3 mois… » Signe qu’une lente évolution est en cours ?

    Un psychothérapeute apprend même aux parents dont l'enfant vient d'être emporté par le cancer à identifier dans leur entourage les personnes «ressources» et les personnes «toxiques». «Les personnes toxiques, ce ne sont pas nécessairement des personnes qui ont de mauvaises intentions, mais elles n'aident pas les parents à vivre leur deuil [en amoindrissant la perte], explique M. Deslauriers. C'est important de dire aux personnes qui vivent un deuil qu'elles ont le droit et la possibilité de se passer pour un bout de temps les gens qui leur nuisent».

    Les associations qui proposent d’accompagner ces parents en deuil se sont développées ces dernières années. « Et de plus en plus de parents s’autorisent désormais à chercher de l’aide », souligne Annick Ernoult, fondatrice de l’association "Choisir l’espoir", et animatrice-formatrice au centre François-Xavier Bagnoud. 

    Ils peuvent enfin partager leurs expériences, leurs émotions avec d’autres parents qui traversent la même épreuve qu’eux, dire leur honte, leur culpabilité (« c’est de ma faute, je n’ai pas su protéger mon enfant »), leur difficulté à s’intéresser à leurs autres enfants (« je ne pense qu’à celui qui est mort »), leur colère, leur tristesse, et s’aider à apprivoiser peu à peu cette absence insupportable.

    « On a le sentiment au début, explique Annick Ernoult, qu’on ne s’en remettra jamais. En parlant ensemble, on s’aperçoit qu’en fait on ne veut pas s’en remettre parce qu’on a peur d’oublier.

     

    Or, faire son deuil, rappelle-t-elle, ce n’est pas oublier, c’est s’apercevoir qu’on peut parler de son enfant autrement que dans les larmes, c’est se remémorer tout ce qu’on a vécu avec lui pour reconstruire l’héritage qu’il nous laisse. » « Il ne s’agit pas non plus de se consoler, précise Nadine Beauthéac. Quand on perd un enfant, on est inconsolable (on peut apporter son soutien à la personne, mais il faut lui garder son espace où elle est inconsolable). »

    Les parents qui traversent cette épreuve ne seront jamais plus « comme avant » : ils changent leur échelle de valeurs, leur façon de voir les choses, ils ont besoin d’expérience fortes, authentiques, les sorties purement sociales deviennent insupportables.

    Certains sont amenés à quitter leurs amis. Beaucoup changent d’activité, de métier.

    « Les parents cherchent à donner un sens à leur vie, ajoute Annick Ernoult. Car si la mort d’un enfant n’a pas de sens, on peut donner un sens à sa vie après cet événement-là. » Chacun à sa manière. Un papa informaticien a voulu ainsi travailler dans un hôpital.

    D’autres vont militer dans des associations de lutte contre le cancer ou contre la violence routière… ou aider à leur tour d’autres parents en deuil…"

    extrait du site : http://www.outre-vie.com/shanti/shenfant.htm

     

    Vivre ou survivre au décès d'un enfant

    Après la mort de son enfant : survivre ou revivre. (Conférence d'Annick ERNOULT )

    Nous sommes des rescapés d'un cataclysme familial et ce drame va suivre toute notre vie... Il est important de savoir que, d'après une récente étude Danoise, nous sommes en danger dans les trois premières années qui suivent la mort de nos enfants. La première question que l'on se pose après la mort de nos enfants est :

    Est-ce que j'ai envie de continuer à vivre sans cet enfant ?

    Honnêtement, je crois que beaucoup de gens répondent à cette question : Non ! je n'ai plus envie de continuer à vivre.....

    Avec un recul de 21 ans je peux vous dire:" Au début nous survivons et revivre ne peut s'envisager qu'après plusieurs années."

    Qu'est-ce qui peut nous aider à revivre ?

    Une étude anglaise sur le deuil montre que l'étau physique (gorge serrée, poids sur les épaules...) ne commence à se desserrer qu'à partir de la 5ème année de deuil. C'est long !... Alors que la société nous le refuse accordons-nous le droit d'être mal pendant toutes ces années. Mais comment ?

    Tout d'abord, faire preuve de patience !

    patience vis-à-vis de nous-mêmes.
    patience envers les autres qui ne peuvent pas comprendre ce que nous sommes en train de traverser : la famille ; ceux qui nous entourent ; ceux qui ne cheminent pas au même rythme que nous. Nous sommes déçus, car nous n'avons pas l'aide attendue. Nous souffrons de solitude. Certains nous disent "de tourner la page"...

    L'idée n'est pas de tourner la page, mais d'écrire cette page et jusqu'au bout !

    Ne nous répétons pas sans arrêt : je n'y arrive pas ! De toute façon, ça n'ira jamais mieux !

    En parler.

    La parole et la mort ne vont pas bien ensemble. Pourtant il faut en parler tout de suite pour ne pas laisser s'enkyster notre douleur. Autour de nous, on nous dit tout le contraire. Nous dépensons plus d'énergie à conserver nos émotions qu'à les laisser s'exprimer. En parler fait du bien, même si ça ré-ouvre les émotions... Donnons-nous ce droit de dire même plusieurs années après : Je suis ravagé !


    Ce qui nous pèse le plus, c'est ce visage souriant que nous nous donnons parfois. Les gens ne peuvent pas deviner nos besoins. Quelques fois, reconnaissons-le, nous aider est "Mission impossible". Il faut que les gens sachent nous écouter sans nous conseiller... mais sachent aussi donner des conseils au bon moment... A cet entourage, j'ai envie de dire : "surtout ne nous jugez pas. Accueillez-nous et aimez-nous tels que nous sommes !" En couple, apprenons à dire mutuellement nos besoins pour rejoindre l'autre. La souffrance sépare. C'est difficile de souffrir à deux ! Nous avons tous des cicatrices physiques. A certains moments elles démangent, rougissent.

    Alterner les temps de "décentrage" et les temps de "recentrage" sur nous-mêmes.

    Ces périodes de "recentrage" nous fatiguent et nous prennent beaucoup d'énergie. La fuite nous tente devant ce face-à-face avec la souffrance....

    Les temps de "décentrage" (appelés " distraction " par Christian BOBIN) sont des activités, des moments où on se laisse entraîner par les autres. Alternons ces temps-là.

    Après le deuil de notre enfant, nous n'avons pas envie de nous poser cette question, comme si se faire du bien était trahir notre enfant. Nous avons honte d'aller bien. Prendre soin de soi au cours du deuil ? On ne se l'autorise pas ! Donnons-nous ce droit d'aller bien !

    Équilibrer des temps de solitude et de rencontre.

    L'isolement, c'est quelque chose que nous n'avons pas choisi. L'isolement, c'est ce que nous ressentons quand la société nous empêche de montrer notre tristesse, quand les amis fuient, quand le silence se fait lorsque nous arrivons quelque part, quand les gens traversent la rue pour ne pas nous rencontrer. La solitude, c'est ce temps où nous nous rencontrons nous-mêmes... et je crois que dans ce temps nous nous reconstruisons. Ce temps, il faut nous le donner ! La solitude, c'est aussi ce temps où nous rencontrons notre enfant qui n'est plus là. Équilibrons les temps de solitude et les temps avec les autres. Nous avons besoin de nous retrouver avec des "PAIRS" car l'incompréhension à l'extérieur est trop grande. Nous ne pouvons pas dire avec des mots ce que nous ressentons. Nous éprouvons des sentiments jamais éprouvés. Cette intensité de vécu est écrasante à certains moments.

    Il faut s'appuyer sur l'authenticité.
    Qu'est-ce qui a été VRAI dans ma journée ?
    Qu'est-ce qui a été positif ?... Qu'est-ce qui a été beau ?...

    Ce peut être le soleil... une rencontre... un sourire... un coup de fil.

    Pour notre entourage le temps qui passe provoque un effacement, comme une gomme. Aller mal devient inacceptable. Certaines personnes nous disent :

    Tu verras, avec le temps ça ira mieux !.. Dans 1 an, ça ira mieux !..

    Avec le temps, rien ne change ! Nous n'osons plus dire que ça va mal de peur d'être mal vu, de peur de se retrouver seuls

    Le temps devient notre ami quand nous avons compris que nous n'oublierons jamais notre enfant... même 50 ans après !.. La présence intérieure habitera une partie de notre coeur, mais pas tout notre coeur.

    Nos enfants décédés nous font grandir le coeur.... Nous réalisons, alors, que nous ne sommes plus dévastés, brûlés de l'intérieur... que, peut-être, ce "labourage de notre terre intérieure" va permettre de semer des graines nouvelles.
    Parfois, on me parle "d'acceptation"... de "phases" à traverser... Il n'y a pas de "phases" dans le deuil, il n'y a que des "allers-retours". Nous pouvons être encore en colère ou tristes 20 ans après et avoir des bouffées de colère forte qui reviennent. Nous sommes constamment ballottés entre l'avenir et le passé, le "ça va" et le "ça ne va pas". J'ai remplacé le mot "acceptation" par le mot "intégration". Je ne peux pas accepter d'avoir perdu mon enfant, mais je peux l'intégrer, lui donner une place dans ma vie.
    La mort d'un enfant fait partie des évènements qui n'ont pas de sens en eux-mêmes. C'est l'absurde total ! Le sens va se construire à partir de nous. Il n'y a pas une voie, il y a autant de voies que de personnes. C'est un vrai travail à faire sur nous.

    Comment vais-je donner du sens ?..

    Il peut s'agir de changer une relation avec ceux qui me sont les plus proches Avec notre conjoint essayons de nous retrouver sur des choses plus constructives.

    Cette peine-là nous suivra toute notre vie ! Personne ne peut nous l'enlever. Avec beaucoup de temps, il faut y croire, nous penserons à cette peine sans qu'elle nous déchire, nous décape à l'intérieur. L'émotion que nous ressentirons ne nous empêchera plus d'aller de l'avant.

    Christian BOBIN dit : " On peut se laisser dépérir par le manque. On peut aussi y trouver un surcroît de vie !" C'est ce que je souhaite à chacun et chacune de vous !

    Conférence de A. Ernoult. Octobre 2005.


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